Aujourd'hui
la revue 
 S.U.R.R.
Résistance
Les Editions 
 surréalistes
Chrono
Les Amis
Chimères
Expos

Une série de rêves, d’une unité thématique surprenante et s’étendant sur plusieurs années dans les mêmes décors : un grenier très vaste qui couronne une immense cage d’escalier et qu’habitent de vieux meubles, d’antiques malles et tout un attirail hétéroclite. Une petite maison de bois, nichée sur un terrain légèrement pentu, voisine d’autres maisons, mais qui ne sont que des décors ; non loin, une rivière. Un appartement très semblable à celui qu’avait occupé ma fille puînée dans un vieil immeuble, aujourd’hui disparu, à Rouen. Un autre appartement, sans situation précise mais dans lequel je ne pouvais pénétrer qu’en me glissant par une fente étroite.

Je retrouve ce fran-chissement, volontaire ou obligé, non seule-ment dans mes rêves d’enfance mais aussi dans plusieurs cir-constances de ma vie éveillée. Des barreaux que je franchissais par jeu dans l’immeuble parisien que j’habitais dans mon enfance. Une épreuve que je m’imposai, jeune apprenti, sur un chantier havrais : m’introduire dans une canalisation d’une trentaine de mètres de longueur (le souvenir de l’interminable minute durant laquelle j’y suis resté coincé est, je crois plus angoissant que le moment vécu). D’autres barreaux que je franchissais pour m’échapper durant quelques heures de la caserne. Et encore un passage étroit, celui que ses proches devaient emprunter pour atteindre plus rapidement l’appartement de Marianne Van Hirtum.

L’amitié qui me liait à Marianne était à la fois fraternelle, sentimentale et complice. Un dimanche matin, vers les cinq heures, après avoir passé une nuit chez elle en compagnie de deux ou trois amis, je me suis perdu sur l’autoroute, happé par une sortie que je ne pratiquais jamais et qui me mena en des lieux inconnus de moi et où j’errai durant une grande heure. Relatant cet incident à Marianne quelques jours après, elle me fit cette réponse qui ne me satisfit pas : « J’ai fait une magie, voilà pourquoi tu t’es perdu ». Mais, quelques semaines plus tard, elle me déclarait que ce fut cette nuit-là que se concrétisa sa liaison avec l’homme qui partagera désormais sa vie, jusqu’à la fin de ses jours.

Depuis bien longtemps, j’ai pris soin de recueillir les rêves dont je parvenais à me souvenir. La quasi-totalité, me semble-t-il. Pourquoi, le cahier dans lequel je notais scrupuleusement mes rêves m’ayant été volé avec le porte-documents qui le contenait, suis-je, depuis ce jour, pratiquement incapable de rêver, à tout le moins de me souvenir de mes rêves ?

Aurélien Dauguet

 

Alena Nadvornikova : Phénomène

Alena Nadvornikova : Phénomène