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     Paroles et
conversations
  automatiques
                  (provocation)

Expérience

Depuis l’âge de 16 ans, je me livre à la pratique de la parole automatique. Il existe plusieurs modes d’utilisation de cette technique.

1. L’écriture automatique que je n’aborderai pas ici mais qui, soit dit en passant, peut parfois se passer de la conscience d’une voix intérieure.

2. La parole automatique vocalisée individuelle.

3. La parole automatique pensée et silencieuse.

4. La conversation automatique.

Éléments d’analyse

Avant d’examiner ces différents modes d’utilisation, voyons quelles sont les caractéristiques générales de la parole automatique.

Elle fait bien sûr corps avec une musique vocale (sonore ou intérieure, solitaire ou plurielle) qui est pour sa part contrôlée (au même titre que la calligraphie conjointe à la voix silencieuse de l’écriture automatique)

Son débit moyen est plus grand et sa vitesse de pointe plusieurs fois plus rapide que celle de l’écriture automatique.

Elle laisse les yeux, les mains et le ou les corps dans un état de grande disponibilité dont il est loisible à chacun de profiter quand il le décide.

Elle est (sous une forme ou une autre) presque à tout instant praticable dans les circonstances les plus propices sans aucun matériel nécessaire.

Commentaires

1. La voix sonore individuelle : c’est celle qui se différencie le moins par son contenu (c’est-à-dire si l’on fait abstraction du contexte et de l’intonation) de l’écriture automatique dont elle ne se distingue que par une émotion et par une vitesse plus grande et en conséquence une ivresse plus prononcée (surtout si le débit est fluide) avec tous les aléas – trouvailles et fautes de goût – que cela implique pour moi.

2. La parole automatique pensée et silencieuse, je la pratique notamment avant de m’endormir. En même temps, je laisse en général défiler les images. En général, les mots et les images n’ont rien à voir en apparence les uns avec les autres. Quand ils commencent à s’assembler, c’est le signe (toujours émouvant malgré l’habitude) que je bascule dans le rêve. Cette capacité de virer facilement vers le monde onirique confère à la parole automatique pensée une gratuité et une authenticité incomparable susceptibles d’ailleurs de contaminer les autres modes d’utilisation de cette parole.

3. Le plus grand charme de la parole automatique est néanmoins pour moi de déboucher sur la conversation automatique. Un degré élevé d’intimité, de confiance est requis pour que la conversation automatique ne dirige pas vers une théâtralisation. Je l’ai pratiquée surtout en chambre, mais aussi en rue et en forêt. Deux fois seulement à trois, le plus souvent à deux. Ces conversations instaurent une connivence sans pareille. Les voix se touchent et parfois se caressent, se juxtaposent, se superposent, se chevauchent, etc. C’est comme un « jeu de la vérité » avec la poésie.

Thomas Mordant
septembre 1996

N.B. : précautions

– Il est préférable d’éviter la pente du conte improvisé qui est – quelles qu’en soient les qualités – un mode de parole peu automatique.

– Je déconseille ici la voie publique.

– Un degré élevé de conversation automatique est susceptible de déboucher sur le geste automatique, voire sur l’acte automatique. Ici encore prudence

et poésie.

Conclusion

Il en a été pensé, il en a été parlé. Qu’en a-t-il été pour 666 surréalistes ? Va-t-on enfin se confronter à ce vertige ?