Elle parle dans son sommeil lle parle dans son sommeil se pourchasse comme elle court au travers de ses doigts
son corps se vaporise dans la pluie froide d’un rêve elle ne s’en souviendra pas elle disparaît dans la houle de sa voix lève la tête et s’écrie dans la chambre vide
tordant ses draps elle trébuche dans les bras de l’image qu’elle est devenue et se dissout dans le poids de ses cuisses et de ses seins goûtant le sel de sa sueur
le musc de ses cheveux elle se tourne sur le côté sur le dos un gémissement indécis glisse de ses lèvres elle plane entre plafond et lit agitant lentement ses bras pleins d’encre
comme si elle était une mante hypnotisée par un jet de pierre ponce en fusion l’obscurité se mêle derrière ses paupières en de larges gouttes
elle murmure dans l’autre oreille somnolente parvient à embrasser le corps jaune tremblant des mots qui se brisent un par un elle sent la spirale de son souffle à travers son cœur
fondant un caméléon à chacun de ses battements elle attend de répondre à la question qu’elle n’a pas posée elle bégaie enragée devant le silence qui la consume
vagabonde à la lisière de ses soupirs qui est un léger coup de soleil sur son visage elle entend les oiseaux une voiture une radio un coup de sifflet
se perdent dans l’étang scintillant où brillent ses nouveaux reflets à travers le lever d’yeux amphibies ce sont ses yeux des yeux leurs yeux
d’implacables d’inoubliables licencieux impardonnables autres yeux congelés dans une ampoule d’étincelles dansantes qui l’évitent la refusent la séduisent
elle frissonne à la pointe du jour et avale très difficilement très vite d’heure en heure elle enroulera l’opaque rendez-vous de ses mains anxieuses
exilées dans la précieuse amnésie elle sirote à travers les plis dans l’étain du kiosque du coin qui clignote dans l’ombre d’un bus d’un camion d’un homme d’une femme d’un enfant
d’un chien Allan Graubard (traduit de l’anglais)
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