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Ici tout se passe sous terre
Grattez grattez petits génies
Grattez bien jusqu’à l’os ce beau cadavre chauffé à blanc
Au-dessus de vous
Bien au-delà
Fleurissent les têtes aériennes des artichauts
Dont la toison est une pelouse de limaille de fer
Mais nous n’en sommes pas là
On entre pour aujourd’hui dans un univers de crocs-en-jambe
Et de tenailles en cascade de rires
Où l’oxygène est rare
Après les bannières de l’anis étoilé
Le tam-tam de plumes est une enclume
Bordée de glands
On entre ici parmi les pics rétractiles de l’oursin
À bruit secret
À petits pas sur des œufs de Pâques
L’idole de pierre aux yeux vides
Soumise aux incantations du corbeau
Est toujours à demi enterrée dans les sables
Derrière ces énormes poutrelles de fonte et d’acier
Où chaque rivet
Chaque boulon
N’est l’œil que d’une seule larme

On entend rouler sur nos têtes
Des trains de farine
Que l’on ne peut pas voir
Couverts d’algues et d’inscriptions en langue maori
Dont la signification véritable échappe en grande partie
Du fait de la vitesse
Même aux ethnologues pressant sur leur poitrine pendant le défilé
Leurs outils de travail
Une équerre un hautbois et un plomb à niveau
Le drame est d’être embarqué soi-même
Dans un convoi similaire selon les augures
Dont la destination n’est un secret pour personne
Il y a pourtant des voyageurs qui font semblant de dormir
D’autres passent leur temps à remettre les pendules à l’heure
Pendant les haltes successives aux gares de banlieue
Ils reviennent exténués s’asseoir parmi nous
(ils sont passés si près du feu central !)
Et essaient d’imaginer la jeune femme restée au pays
En regardant défiler les grandes grues électriques
Mais à leur désarroi
Les traits de l’élue commencent déjà à se brouiller
Et la prise se perd
Dans les couloirs sont entassés des carcasses de chevaux
Qui ne sont pas tous morts
Et les trépidations effrayantes de la machine
Ne parviennent pas à étouffer tout à fait
Les râles d’agonie de ceux qui sont venus mourir là
On se demande bien pourquoi
Et le veilleur de nuit qui a abandonné nos bagages de plâtre
Dès le début des hostilités
Passe parfois en hurlant
Les bras levés
Suivi de la Bête immonde qui le menace
L’ange du meurtre qui tient la robe de cendres
Serrée entre ses dents
Dites-moi où se trouve la rue du Cherche-Midi
Et celle de l’Arbre-Sec

Sur les gradins
Gredins crotales et crétins
Sont occupés à tourner les lois du premier baiser
Tandis que toi
Tout seul planté dans ton cri
Tu tires la sonnette d’alarme à la poignée de gouttes de sang
Pour les chauves-souris qui sont nos sœurs

Les nouvelles du jour sont bonnes à la Une
Mais la fenêtre de sel qui donne sur le mur blanc
Est toujours murée
Murée d’ajoncs et de serments d’amour

Allez donc chercher un serrurier
Le dimanche de Pâques à Paris

Vous qui entrez ici
N’attendez de ces voyageurs désolés
Perdus dans les égouts de la cité impériale
À la recherche de leur ami Michel Servet
Détenteur du métronome pyrogène des passions
Aucun tuyau sur la nuit des temps

Jean-Pierre Guillon
 

 

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