Aujourd'hui
la revue 
 S.U.R.R.
Résistance
Les Editions 
 surréalistes
Chrono
Les Amis
Chimères
Expos

Fanfreluches joyeuses et funèbres

Quand elle n’est pas trop soumise à des impératifs financiers immédiats, la critique s’étonne toujours des personnalités singulières, des œuvres imprévisibles que le surréalisme a découvertes ou traînées dans son sillage. Elle s’en étonne, mais c’est en général un demi-siècle après leur disparition. Maurice Fourré (1876-1959) ex-

grimacier virtuose de la Nuit du Rose-Hôtel, et du Caméléon mystique, fait partie de cette cohorte de spectres aux grelots d’argent, aux têtes de mort dodelinantes entre nœud-papillon et canotier. « Je suis le Petit-Gris, ce soir, disait-il. Je paie à boire. Nous lèverons nos verres phosphorescents quand s’ouvrira le bal. Après je fouterai le camp dans les cendres... » L’association des Amis de Maurice Fourré, quant à elle, l’AAMF, née en 1996, entend bien garder longtemps ces cendres encore chaudes.                                                                                                                        J-P. Guillon

Météorologie poétique incendiaire

À l’enseigne du cygne noir, le groupe de Chicago, fondé à Paris en 1966, vient de publier le recueil de ses tracts de ses dix premières années : The forecast is hot ! Tracts and Other Collective Declarations of the Surrealist Movement in the United States, 1966-1976. Traduction approximative : température en hausse ! Richement illustré, cet exercice de météorologie poétique incendiaire s’ouvre par un hommage au « splendide soulèvement de Watts en 1965 », et démontre sa solidarité avec la cause des femmes, des Indiens, des Noirs, des résistants à la guerre du Vietnam. Mais on y trouve aussi des jeux, des textes sur le jazz, la poésie, la culture populaire, l’imagination, Marcuse, Malcolm X ou Thelonious Monk, signés par Lamantia, Joans, Jablonski, etc. C’est une vraie mine poétique et révolutionnaire.

Il y a peu, les surréalistes de Chicago ont aussi publié un numéro spécial de la revue Race Traitor (n° 9, été 1998) sur le thème : « le surréalisme : la révolution contre l’idéologie blanche » (le mot « whiteness » (blancheur ou blanchitude) est intraduisible !).  Rosemont et ses amis y montrent que le surréalisme a été une véritable école de « traîtres à la race blanche », qui a choisi, d’emblée, le camp des peuples colonisés, contre la « suprématie blanche » des puissances européennes. Dans le combat contre l’euro-centrisme, la mappemonde surréaliste de 1929 a été, comme le montre Roediger, un moment important, de même que la visite de Breton en Martinique et la participation de Césaire au mouvement. Penelope Rosemont rappelle les liens de Nancy Cunard, l’organisatrice du recueil Negro anthology de 1934, avec le groupe parisien, tandis que M. B. Rochester présente un texte explosif de Crevel contre le patriarcat blanc, la Négresse au bordel – traduit par Samuel Beckett pour la même anthologie. Un autre document publié par Nancy Cunard et ré-édité ici est le tract de 1932 contre l’« humanisme » assassin de l’homme blanc dans les colonies. Bref, pour conclure avec Franklin Rosemont, en célébrant l’art, les mythes et la poésie des peuples de couleur, les révoltes des Nord-Africains (Riff, 1925) ou les soulèvements d’esclaves brésiliens (Péret), les surréalistes ont puissamment contribué à saboter l’idéologie de la supériorité blanche.                                                            Michael Löwy

Surrealist Women.

L’arrivée ici du recueil organisé par Penelope Rosemont, Surrealist Women, An Inter-national Anthology (Austin, University of Texas Press, 1998, The surrealist revolution series) n’a pas manqué de

susciter des débats passion-nés chez les surréalistes parisiens : faut-il constituer « les femmes » en catégorie séparée dans le surréalisme ? En quoi une œuvre surréaliste inventée par une femme se distingue de celle d’un homme ?

En ce qui me concerne, j’ai été séduit par le volume, qui m’a permis de découvrir tout un « continent submergé » d’images d’une splendide insolence et d’une troublante inquiétude. On – les historiens, critiques et autres parasites – a souvent réduit le surréalisme à une

affaire masculine, française, des années 20 et 30. Par son anthologie, Penelope Rose-mont qui a choisi les textes et les images, et rédigé une excellente introduction historique – contribue a redessiner la carte du surréalisme en montrant l’importance de la participation féminine, l’extension internationale du mouvement, et sa vitalité jusqu’à

nos jours, à Paris, Prague, Chicago, Sao Paulo, Buenos Aires, Madrid et Stockholm.

Michael Löwy.