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LE BORDEL IMAGINABLE

Dieu a aussi inventé la merde
Marcel Mariën

À Epinal (Vosges, France), une exposition temporaire rasssemble la collection de la Province de Hainaut (Belgique) et celle du Musée Départemental d'Epinal. Nous sommes en 1996. L'on n'ose y croire : s'agirait-il d'une farce ? Un M. Roth, André Roth, vice-président du Conseil Général, par ailleurs président du conseil d'administration du Musée d'Epinal, a, sans l'avis des deux conservateurs, et sans que la moindre plainte ait été déposée ni seulement formulée, retiré de l'exposition un collage de Marcel Mariën, Le bordel imaginaire, qui appartient à la collection de la Province de Hainaut. À l'appui de son geste, M Roth invoque son souci de "protection morale et intellectuelle de la jeunesse" Eh bien, non : cet homme n'est pas un farceur.

L'incident devrait en soi nous suffire : qu'un collage ait ému ce notable au point qu'il s'en fasse aussitôt le censeur témoigne, si besoin était, de la vitalité et de l'actualité de l'oeuvre de Marcel Mariën, laquelle, rappelons-le pour tous les messieurs Roth de France ou de Belgique, relève du surréalisme, mouvement situé dans l'histoire comme une fenêtre, et dans l'esprit comme une fenêtre ouverte. Aussi n'allons-nous pas énumérer les musées aux cimaises desquels pendent des exemples de l'oeuvre de Marcel Mariën, puisque la seule histoire les y fait être, et l'esprit les déserter.

Cependant, dans un semblable souci de protection de la jeunesse (M. Roth s'expose à des poursuites en concurrence déloyale de la part des héritiers de Philippe Pétain), notre homme n'a pas débarrassé le Musée d'Epinal des bondieuseries et des tableaux militaires qui encombrent sa ville de garnison. Gageons qu'un certain érotisme, tout en suggestions, vapeurs et contrejour, ne doit pas déplaire à M. Roth, à l'heure de la digestion par exemple, ou dans l'assoupissement des longues joumées électorales. Parions aussi que, dans son esprit, guerre, violence, chômage, rapines financières de haut vol ou bassesses politiques ne peuvent exercer d'influence néfaste sur la jeunesse française, jadis expédiée en Indochine ou en Algérie, pour en massacrer une autre, "française" elle aussi d'ailleurs.

La jeunesse française a aujourd'hui bien de la chance : il s'est trouvé un M. André Roth pour la protéger contre les atteintes du surréalisme "belge" et brandir l'étendard du bon goût. (Qu'est-ce que le bon goût ? C'est le leur. Qu'est-ce que le leur ? C'est celui qu'ont les choses qui font vomir.)
 

Un grand destin s'ouvre à présent à M. Roth qui passera à la postérité pour avoir, trente-sept ans après l'interdiction qui frappe en France et en Belgique le film de Marcel Mariën L'Imitation du cinéma, retrouvé, frais comme un flic en fleur, les accents de la bêtise et de la censure.

Ainsi n'aime-t-on à Epinal que les belles images, celles qui jamais ne dérangent.


Notes :

1 : L'Est républicain, 1er octobre 1996.

2 : Selon M. Roth (ibidem), l'oeuvre de Marcel Mariën "et affublé de textes à caractère pornographique". Et de conclure : "Je ne suis pas opposé au figuratif mais au vocabulaire oui. Il ne s'agit pas de censure". En d'autres termes, ce qui est de l'ordre de l'écrit ("le vocabulaire") peut être interdit, sans qu'il s'agisse pour autant de censure. Qu'en pensez-vous, Donatien et les autres ? Quand on vous disait que M. Roth a du génie.

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Sur cette histoire, Noël Arnaud a écrit à Philippe Séguin : voir sa lettre.

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