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tant que les voyageurs parviendront
à se substituer aux voyants

1492-1992

« ...tant que les uns exploiteront les autres sans même en tirer de jouissance appréciable -l’argent est entre eux un tyran commun - l’argent est entre eux un serpent qui se mord la queue et mèche de bombe [...] ; tant que les voyageurs parviendront à se substituer aux voyants, au cours de la nuit noire...»

(André Breton, Prolégomènes à un troisième manifeste du surréalisme ou non, 1942).
La découverte/invasion/conquête des Amériques s’inscrit dans la logique du processus historique expansionniste de la civilisation dite « occidentale », - qui commence en 1492 avec l’arrivée de Christophe Colomb et qui se poursuit pendant des siècles par l’oppression, l’exploitation, la persécution et la destruction des peuples et des cultures indigènes - ainsi que de l’imrnense nature sauvage dans laquelle ces peuples et ces cultures vivaient.
Le passé reste présent dans la mémoire des classes et des ethnies : tradition des vainqueurs et tradition des vaincus s’affrontent nécessairement. En tant que surréalistes et ennemis de cette « civilisation », nous ne sommes ni neutres ni indifférents.


Guy Girard - Les amours de gros lapinou, 1992

Aujourd’hui nous assistons à de pompeuses célébrations officielles, de véritables rituels de consécration qui cherchent à légitimer, non seulement toute une action passée, mais aussi sa continuité actuelle, manifestée dans le « nouvel ordre mondial »de l’invasion capitaliste à l’échelle planétaire. Face à cela se développe un mouvement multiforme de contestation qui se propose de réinterpréter l’histoire de ces cinq siècles du point de vue des victimes (et de leur résistance), c’est-à-dire des indigènes, des Noirs, des peones et de leurs descendants actuels; un mouvement qui célèbre la mémoire de figures comme Cuauhtémoc et Tupac Amaru, Geronimo et Sitting Bull, Zumbi dos Palmares et Toussaint Louverture - sans oublier Gonzalo Guerrero, l’Espagnol qui s’est rallié aux Mayas et a pris les armes à leurs côtés contre les conquérants ibériques du Yucatan -, et qui se propose de « brosser l’histoire à rebrousse-poil », pour reprendre la belle expression de Walter Benjamin.

Toutefois, pendant des siècles, l’histoire « officielle » de l’invasion et de la conquête - celle des vainqueurs du XVIe siècle et de leurs héritiers - a été non seulement dominante, mais pratiquement la seule sur la scène politique et culturelle.

Ecoutons un moment le « raisonnement » d’un idéologue « libéral »  du XIXe siècle, l’Argentin Domingo F. Sarmiento: « Il faut que nous soyons justes avec les Espagnols : en exterminant un peuple sauvage dont ils allaient occuper le territoire, ils faisaient simplement ce que tous les peuples civilisés font avec les sauvages [...] Les races fortes exterminent les faibles, les peuples civilisés enlèvent la propriété de la terre aux sauvages. Ceci est providentiel et utile, sublime et grandiose. »

Le projet «grandiose » dont se réclame le libéral Sarmiento - et comme lui beaucoup d’autres libéraux latino-américains, européens et nord-américains- est celui-ci même où nous nous trouvons embarqués aujourd’hui: la rationalité « occidentale ». La conquête commencée au XVe siècle se poursuit de nos jours par la guerre du Golfe, la ruée des capitalistes vers les pays de l’Est, l’impérialisme culturel dans l’omnipotence stéréotypée des médias, la soumission du tiers-monde aux banques multinationales, la destruction des forêts et la multiplication des catastrophiques exactions écologiques.

Il fallait donc, à cette rationalité bornée et instrumentale, non seulement dominer politiquement, économiquement et militairement les cultures amérindiennes (d’abord en Amérique du Sud, et ensuite dans le nord du continent), mais les faire disparaître, les effacer de la surface de la Terre, comme simples possibilités de l’être. L’extermination des Indiens - ainsi que la destruction de la flore et de la faune qui constituaient leur milieu naturel - était induite par l’implacable expansion de la « civilisation du progrès » - avec la complicité active des Eglises (catholique et protestantes) qui fournirent la justification morale et idéologique de la conquête de ce « Nouveau Monde » (censé non-racheté de la souillure du « péché originel ») et qui contribuèrent à détruire les ressorts de l’imaginaire et de la vie spirituelle des sociétés indigènes.

Au XIXe siècle existait-dans beaucoup de pays d’Amérique latine une expression qui, avec seulement deux mots, suscitait à la fois la peur et le dégoût des « gens décents » :
Tierra adentro - Terre intérieure.
On désignait ainsi le territoire inconnu et immense dans lequel, au-delà d’une frontière toujours imprécise, transitaient librement les Indiens. Il était inacceptable pour l’oligarchie locale, associée aux intérêts du capitalisme anglais en expansion. Non seulement à cause de la limite physique qu’il opposait à leurs ambitions, mais parce que cet espace « désert » - non colonisé - constituait une espèce de « double fond » - aussi bien géographique que mental - où pouvaient se réfugier les persécutés, les non-conformistes, les hors-la-loi. « Un bûcher perpétuellement allumé: l’histoire. Mais avec l’homme tribal... brûlent, dans un dernier cri avant le silence, le possible, une autre vie. » (Roger Renaud, «Lui dont nul n'écoute la voix » , la Civilisation surréaliste, p. 235). Et comment ne pas voir que, nous aussi, sommes en train de brûler ici ? Chacun d’entre nous, en tant qu’il est lui-même - et non comme simple pièce de la machinerie-, c’est-à-dire en tant qu’être sensible et désirant, capable de rêver, d’aimer et de désobéir.
Parce que la Terre intérieure était, et est encore aujourd’hui, cet immense territoire intérieur inconnu dans lequel nous vivons librement; cette zone profonde d’où nous vient la mémoire d’une autre vie vécue (ou pouvant être vécue) en harmonie amoureuse avec la nature, l’émerveillement d’un galop interminable, et d’où peuvent se lever, avec l’étourdissante sauvagerie de l’inconscient, les avides chevaux du désir, pour nous inciter à la rébellion. Cette zone intérieure, le rationalisme occidental a besoin de la coloniser - pire encore, de la nier - pour les mêmes raisons et avec les mêmes méthodes d’extermination qui lui ont permis de se lancer à la conquête des Amériques et de faire disparaître les cultures différentes. Comme dans l'immensité du « Nouveau Continent », rien ne doit se passer à l'intérieur de l'être humain qui ne s'adapte pas à la mécanique homogénéisante: « Sous couleur de civilisation, sous prétexte de progrès, on est parvenu à bannir de l'esprit tout ce qui se peut taxer à tort ou à raison de superstition, de chimère. » (André Breton, Premier Manifeste du surréalisme.)
On ferme ainsi la somptueuse porte menant à cette terre intérieure, à nos immenses océans psychiques. N’est-ce pas une certaine peur - parfois même panique - ou la négation effrénée de ces territoires, de ces mouvements océaniques intérieurs, qui pousse au contrôle, à la conquête et au massacre des peuples qui, précisément, les portaient en haute estime, naturellement conscients de leur richesse vitale ?

L’aventure, la découverte, l'être voyant, personne, dans ce XXe siècle, n'en a pris plus conscience et ne l'a inscrit en lettres de feu que le surréalisme. D'où son affinité élective avec les peuples indigènes chez lesquels la pensée mythique formait le ciment de la culture. Comme le rappelait André Breton: « N'en déplaise à certains bureaucrates, chez l'homme la pensée mythique, en constant devenir, ne cesse de cheminer parallèlement à la pensée rationnelle. Lui refuser toute issue, c'est la rendre nocive et l'amener à faire irruption dans le rationnel qu'elle désagrège (culte délirant du chef, messianisme de pacotille, etc.). » (André Breton, Entretiens, 1952.) Ayant fait le vide, l’homme occidental se sent creux quand les cordillères de l'infini et les plaines illimitées de l'inquiétant ont été réduites au connu par l’agronomie et la géométrie, quand le progrès a imposé ses voies ferrées, ses avenues à sens unique, quand la propriété a tendu ses fils barbelés, empêchant les mouvements libres. Maintenant, l'esprit est sommé de rester dans son enclos ; la pensée doit courir par ces routes prévisibles et balisées; et l'être humain ne doit exister que pour la production.

Mais comme le désir est indomptable, il y a toujours quelqu’un qui refuse de brailler joyeusement. Ainsi la poésie - véritable acte d'insoumission totale - continue à faire sauter en l'air les fondements de cette société nécrophage... Et dans sa lutte contre ce totalitarisme étouffant, le surréalisme est - a toujours été - le compagnon et le complice de l'Indien.

C’est par une authentique passion, par un amour véritable que nous unissons nos visages aux leurs, désirant de leurs voix beaucoup plus que l’écho d’un passé exalté. Parce que nous savons que ces voix indigènes, malgré l’immense oppression, sont obstinément vivantes. Et parce que personne mieux que le chaman - celui qui parle dans les rêves- ne trouvera les clefs de l’inversion du signe : quand les voyants remplaceront les voyageurs...

Le mouvement surréaliste en Australie : Anna Rita Golanski, Claudia Lloyds-West, John Lloyds-West, Catherine Nelson, Antainé Redmond, Michael Vandelaar, Irène Van Den Drieschen, Tim White.

Le groupe surréaliste de Buenos Aires : Oscar Baldoma, Pablo Baldoma, Carmen Bruna, Luis Conde, Silvia Grénier, Julio del Mar.

Les surréalistes au Danemark : Frank Antonsen, Malene S. Nielsen.

Le mouvement surréaliste aux Etats-Unis : Jacqueline André, Lauwrence von Barann, Chris Beneke, Les Blank, Jayne Cortes, Rikki Ducornet, Beth Garon, Paul Garon, Robert Green, Jan Hathaway, Daniel del Valle Hernandez, Joseph Jablonski, Philip Lamantia, Gina Litherland, Thomas Magee, Tristan Meinecke, Zil Miller, Hal C. Pattee, Nancy J. Peters, Irene Plazewska, Hal Rammel, David Roediger, Franklin Rosemont, Penelope Rosemont, Mark Rosenzweig, Cathy Seitz, Louise Simons, Erin Snow, Martha Sonnenberg, Christopher Starr, Cheikh Tidiane Sylla, Debra Taub, Dale Tomich, Théodore Watts, Alberto Weller, Joël Williams...

Les surréalistes en Grande-Bretagne : Krzysztof Fijalkowski, Kathleen Fox, Stuart Inman, John W. Welson, Francis Wright.

Le groupe surréaliste de Madrid : Mariano Auladen, Conchi Benito, Enrique Carlon, Eugenio Castro, Jacinto Minot, Jose Manuel Rojo.

Le groupe de Paris du mouvement surréaliste : Jean-Marc Baholet, Luc Barbaro, Jean-Christophe Belotti, Laurent Bergstrasser, Anny Bonnin, Thierry Bouche, Thérèse Boujon, Vincent Bounoure, Philippe Clerambault, Aurélien Dauguet, Emmanuel Fenet, Guy Girard, Jean-Pierre Guillon, Michel Lequenne, Michaël Lowy, Marie-Dominique Massoni, Thomas Mordant, Fabrice Pascaud, Alexandre Pierrepont, Ody Saban, Roger Renaud, Bertrand Schmitt, Daniel Vassaux, Florence Vasseur, Michel Zimbacca.

Les surréalistes aux Pays-Bas : Hendrik Beekman, Rik Lina, Pieter Schermer, Bastian van des Velden, Her de Vries.

Portugal: Mario Cesariny.

Le groupe surréaliste de Prague : Karol Baron, Franticek Dryje, Jakub Effenberger, Jiri Koubek, Alena Nadvnornikova, Ivo Purc, Martin Stejskal, Ludvik Svab, Eva Svankmajerova, Jan Svankmajer ; Albert Maren{in, Juraj Mojik (Bratislava) ; Blasek Ingr, David Jarab, Bruno Solarik (Brno).

Le groupe surréaliste de Sao Paulo : Josifa Aharony, Laila Aiach, Sergio Lima, Floriano Martins, Lya Paes de Barros, Elaine Parra, Heloïsa Bessoa, Nelson Pessoa de Paula, Nicole Reiss, Juan Sanz Hernandez, Hilton Seawrigt Araujo; ainsi que Fernanda Amalfi, Luiza Colombo et Claudio Witter.

Le groupe surréaliste de Stockholm : Aase Berg, Kajsa Bergh, Johannes Bergmark, Carl-Michaël Edenborg, Bruno Jacobs, H. Christian Werner, et leur camarade Mattias Forshage.